La stigmatisation des troubles psychiques

15 Fév 2023 | Actualités, Articles pour les proches de personnes TPL

Dialogue entre copains : « Je me suis cassé la jambe au ski. Je ne peux pas venir courir dimanche. Il faut faire sans moi pendant quelque temps ».  Voilà qui passe bien.

« J’ai été diagnostiqué avec un trouble borderline.  C’est pourquoi j’ai du mal à venir à tes soirées. Je vais suivre une thérapie pendant quelques temps ».  Cela passe beaucoup moins bien auprès des copains.

La stigmatisation des troubles psychiques agit comme une double peine. Aux troubles eux-mêmes s’ajoutent le regard des autres, les remarques blessantes, même quand elles ne sont que maladroites. Sans parler de la peur que l’on génère, des silences, des évitements et de l’abandon. Outre que ce rejet est très dur à vivre, il tend à renforcer les dysrégulations inhérentes au trouble de la personnalité limite. C’est comme si les copains venaient taper avec un marteau sur la jambe cassée.

Ces stigmatisations sont présentes dans tous les domaines. La famille, les amis, l’école, les médias, les discours politiques… les personnels de santé eux-mêmes en sont parfois les acteurs, car le trouble borderline est encore mal connu et il fait peur.

Heureusement, les choses bougent sur ces troubles et nous présentons dans la suite de cet article des initiatives très intéressantes pour tous.

Parlons-en autrement

Pour déstigmatiser les troubles psychiques, des initiatives fleurissent un peu partout en France. La stigmatisation commence par les mots. Dans le langage de tous les jours, des mots comme schizophrénie et borderline sont en permanence dévoyés. Ces mots blessent les personnes concernées et leur entourage. Pour sensibiliser les politiques, les médias et le grand public, l’Unafam a lancé la campagne Parlons-en autrement. Sur le site, on trouve des explications, vidéos et témoignages. La vidéo sur l’utilisation péjorative du terme «schizo » dans les discours et les débats politiques est édifiante sur le problème et sur les responsabilités au plus haut niveau de l’Etat.

Dans le baromètre 2022 que l’on peut télécharger depuis le site, on apprend que le problème n’est pas marginal, 3 millions de personnes vivent en France avec des troubles graves et plus de la moitié ressentent cette stigmatisation. Elle touche aussi les proches et laissent désemparés les frères et sœurs.

Un peu, beaucoup, à la folie… contre les clichés

L’Unafam s’est associée à la maison d’édition HarperCollins pour le lancement du livre « Un peu, beaucoup… à la folie », un recueil de nouvelles pour 5 euros, préfacé par Gringe, l’auteur de : Ensemble, on aboie en silence. Dix auteurs ont contribué à ce recueil, dont Anais Vanel (voir présentation sur le site).

Briser le silence

Pour briser le silence (voire le tabou) sur les troubles psychiques, de plus en plus de personnes et de collectifs osent en parler et en faire le sujet même de leur création artistique. En voici quelques exemples.

Bande dessinée

Dans sa dernière bande dessinée en date, intitulée Se rétablir, Lisa Mandel, présente le concept de « rétablissement » en santé mentale. La BD recueille avec humour le vécu de plusieurs personnes concernées. On y découvre qu’avec un accompagnement adapté, il est possible de s’en sortir et de vivre une vie riche et épanouie avec un trouble.

Création vidéos

Tous les ans, l’Association Arts Convergences présente les 15 meilleures vidéos réalisées par des personnes directement concernées, ou bien seulement intéressées, par les maladies psychiques. En 4 minutes chrono, la gageure est de montrer l’invisible à ceux et celles qui ne peuvent ou ne veulent pas voir, sachant qu’« entre voir et vivre, il y a un gouffre ».

Blog

Fondateur de l’association « Comme des fous », Joan Sidawy, architecte de métier, défend sur les réseaux sociaux le soin par la relation, la recherche du consentement, le collectif qui crée du lien, qui apaise et permet de désamorcer une crise (lire son intervention du 29 novembre 2019 à l’Agence régionale de Santé Ile-de-France). Sur son blog Comme des fous, des dizaines de témoignages, articles, conférences et vidéos nous font voir et entendre ces personnes trop souvent stigmatisées, les enjeux médicaux…

Festivals pour les jeunes et par les jeunes

Après le succès de son 2è livre Pop and Psy et de ses conférences sur la psychiatrie et les troubles psychiques au cinéma MK2 Beaubourg, Jean-Victor Blanc, jeune psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine, a organisé avec l’aide de Florence Tredez, journaliste à Elle et le soutien de l’œuvre Falret, le premier festival Pop and Psy en octobre 2022 à Paris autour de conférences, expositions, tables rondes et talks psy, ateliers, concerts live, DJ sets.

Facettes Festival, créé par Clémence Montvoisin, est une autre grande fête organisée pour les jeunes et par les jeunes. Résolument tourné vers la solidarité et la déstigmatisation de la santé mentale, ce festival qui s’est tenu pour la première fois en octobre 2022 a proposé une programmation riche, inclusive et participative.

Série télévisées

Les séries Vestiaires et Mental de France Télévisions visent à faire tomber les tabous sur les troubles psychiques. Quant au magazine Phosphore, il fournit à son lectorat d’adolescents des éclairages sur les troubles évoqués dans Mental.

Culture Relax œuvre pour l’inclusion

Culture Relax est une autre initiative qui œuvre pour l’inclusion. Dans le cadre de ce programme, des séances de cinéma et les salles de spectacle sont rendues accessibles à des personnes souffrant de troubles psychiques. L’organisation travaille avec des référents handicap, des GEM, des établissements médicosociaux et des associations.

Dans une séance Relax, on peut prendre son temps à la caisse, parler à voix haute ou sortir avant la fin, sans être regardé de travers.

L’Opéra-Comique, l’Opéra de Paris, La Philharmonie, le théâtre de la Colline, la Maison de la radio, le théâtre Jean Vilar à Vitry-sur-Seine et le festival Shakespeare à Vincennes proposent des séances Relax.

Le réseau Culture Relax compte environ 70 salles à Paris et en province et en ouvre environ dix nouvelles par an. Le programme est disponible sur ce site : Culture Relax

L’affaire de tous

En conclusion, de près ou de loin, nous sommes tous concernés. Les préjugés sur les maladies psychiques construisent des murs autour de la souffrance. Qui ose dire à ses amis, sa famille, ses collègues « J’ai dû être hospitalisé en psychiatrie ? »

Ces murs empêchent de demander de l’aide. Or, ces maladies se soignent et une prise en charge précoce en limite les conséquences invalidantes. En finir avec la discrimination est indispensable pour construire une voie vers le rétablissement et l’autonomie.

Nous espérons que cet article vous donnera des pistes et vous aidera vous aussi à vous engager dans le défi de la dé-stigmatisation des maladies psychiques car il est l’affaire de tous.

 

Sources :

https://www.unafam.org/actualites

https://www.aveclesaidants.fr/observatoire/decryptage-aidants-et-maladies-mentales/

https://midetplus.fr/culture/capter-linvisible/