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Suite à notre appel, Valérie* a courageusement accepté de témoigner de son parcours avec sa fille Jeanne*, qui souffre d’un trouble borderline : j’ai été très touché de son témoignage que je vous partage avec son accord.
Écoutons Valérie…
Jean-Baptiste Rosset
Équipe web de Connexions Familiales
* Valérie et Jeanne sont des pseudos pour préserver la vie privée de Jeanne et de sa famille.
Les troubles de ma fille Jeanne* sont arrivés progressivement vers ses 15 ans. Au début, mon mari et moi avons tout simplement pensé que cela faisait partie des troubles banals de l’adolescence.
Puis, à notre insu, les premières scarifications sont arrivées. Jeanne était silencieuse, voire mutique, elle subissait du harcèlement scolaire. Comme elle n’allait pas bien, j’ai réussi à la convaincre d’aller rencontrer une psychologue en libéral.
Entre 15 et 18 ans, et malgré cet accompagnement psychologique, son état s’est dégradé. Et le premier confinement n’a rien arrangé, au contraire. Les scarifications se sont intensifiées et sont devenues régulières.
La psychologue nous a alors appris qu’elle avait subi une agression sexuelle deux ans plus tôt. Notre fille a porté plainte. Son agresseur (mineur à l’époque des faits) sera condamné trois ans plus tard.
À la maison, les relations se tendent. Le comportement de Jeanne devient à risque. Elle porte des tenues provocantes qui lui amènent des ennuis quand elle sort le soir. Elle se tatoue. Ses propos sont agressifs et culpabilisants envers nous : elle ne sent plus notre amour. Elle ne se sent pas accueillie comme elle est, et elle nous en tient pour responsables. C’est très dur à entendre et à supporter. Mon mari ne comprend pas du tout, alors il nie violemment. De mon côté, j’essaye comme je peux de maintenir une écoute, un lien bien fragile…
Après son bac, Jeanne quitte la maison pour commencer des études artistiques. Elle se met à consommer de l’alcool et du cannabis à notre insu. Le deuxième confinement arrive. Elle décide de stopper complètement ses études et de recommencer une autre vie dans une autre ville en prenant un petit boulot. Elle entame une relation avec deux femmes, qui s’avèrent toxiques car elle est sous leur emprise.
Les scarifications, la prise d’alcool et de stupéfiants continuent…
Jeanne fait aussi deux tentatives de suicide, heureusement empêchées au dernier moment par des amies présentes. Quant à nous, nous ne l’apprendrons que bien plus tard.
Avec cette vie déséquilibrée, elle perd du poids. Elle prend rendez-vous chez une coach de vie, seule personne trouvée disponible pour un nouvel accompagnement. Celle-ci lui recommande immédiatement une hospitalisation psychiatrique. La première…
Là, le diagnostic tombe : trouble borderline. Le psychiatre qui l’a prise en charge commence un traitement médicamenteux lourd qui l’abrutit : Jeanne est devenue méconnaissable. Ce sera le début d’une errance de trois ans…
À la sortie de clinique un mois et demi plus tard, elle doit être suivie par un psychiatre libéral. Mais faute d’anticipation, ce médecin ne peut la recevoir que six semaines plus tard. C’est terriblement long pour une jeune fille désœuvrée qui erre dans notre maison.
Conséquence : première Intoxication Volontaire aux Médicaments (IVM) avec les médicaments prescrits lors de son hospitalisation. Urgences…
Le psychiatre libéral la reçoit enfin, mais ne donne plus de nouvelles après deux consultations qui n’ont pas apporté grand-chose… J’apprendrai par la suite qu’il a eu un accident mais qu’il n’a pas jugé utile d’en informer ses patients.
Le psychiatre suivant décide rapidement de stopper les rendez-vous avec Jeanne qui arrive en retard et ne respecte pas le protocole convenu. Il ignore que ce comportement n’est que le signe patent du trouble borderline.
Nouvelle déshérence médicale, nouvelle IVM.
L’espoir renaît avec le démarrage d’un nouveau parcours scolaire : cours du soir et petits boulots… Cela ne dure jamais plus de quelques semaines, à cause de problèmes relationnels avec la clientèle ou le patron.
Difficultés relationnelles. Relations affectives compliquées. Nouvelle IVM.
Jeanne rencontre un troisième psychiatre recommandé par un centre spécialisé pour les troubles borderline. On lui propose un groupe de psychoéducation auquel elle ne va pas. Elle arrête ses médicaments qui lui ont fait prendre 20 kg.
Deuxième hospitalisation de six semaines dans une nouvelle clinique, nouveau traitement… qu’elle respecte mal. Ses addictions continuent. Elle cultive un look outrancier (tatouage, piercing, coloration de cheveux) ; son hostilité envers nous continue et elle rejette en bloc le diagnostic de borderline qui a été posé.
Nous apprenons que Jeanne est aussi bipolaire. Deux molécules sont essayées, l’une donne enfin des résultats. Jeanne commence à mieux comprendre ses émotions violentes, ses hauts et ses bas.
Cependant, un soir, une nouvelle IVM conduit Jeanne aux urgences, d’où elle ressort dès le lendemain matin, le psychiatre n’ayant pas jugé son état suffisamment sérieux.
Elle recommence le lendemain et se présente à nouveau aux urgences… d’où elle se fait renvoyer une deuxième fois pour la même raison… Avec mon aide, il faudra qu’elle aille consulter un psychiatre libéral pour qu’enfin elle puisse être hospitalisée plus de deux mois.
L’année 2023 aura été une année de chutes et rechutes, de traitements et prises de poids, non-observance… une année plus qu’éprouvante.
C’est cette année-là que j’entends parler de Connexions Familiales par le centre spécialisé sur les troubles borderline.
Nous commençons le parcours début 2024.
Après cinq années en première ligne face à ma fille et cinq années malmenées par le système médical psychiatrique, je suis découragée, abîmée psychologiquement et physiquement. J’avais vraiment besoin d’aide.
Comme parents, nous avons appris « sur le tas » comment se positionner avec notre fille borderline. Connexions Familiales nous apprend aujourd’hui comment éviter certains mots et comment éviter le jugement et les conseils qui s’avèrent contre-productifs.
Le témoignage des parents animateurs du parcours et des autres participants est précieux : chaque histoire est individuelle et unique. Pourtant, elles se ressemblent toutes.
Nous avons aussi accès à des informations et vidéos pratiques bien utiles pour mieux comprendre notre fille, éviter des surenchères émotionnelles et, surtout, rester en lien avec elle.
J’applaudis très fort l’association Connexions Familiales, l’implication des bénévoles qui fait que nous sommes tous liés quelque part par ce que nos enfants ont vécu et par ce que nous vivons. J’ai beaucoup appris. Ne pas baisser les bras devant l’absence de formation des psychiatres qui ont des propos malheureux ou ne veulent pas s’occuper de ces patients si difficiles à gérer, car eux aussi sont très impactés. Les psychiatres sont encore souvent peu formés sur ce trouble. Et même si c’est un jugement un peu dur à leur égard, je trouve aussi qu’ils manquent aussi de curiosité parfois.
Suivre ce parcours en couple nous fait aussi du bien : au départ, mon conjoint était totalement désemparé face à la souffrance de notre fille, sa propre impuissance, et son incapacité à communiquer avec elle. Avec le temps et la formation, nous finissons par être sur la même longueur d’onde lui et moi pour faire face ensemble à la situation.
Jeanne est la seconde de nos trois filles : la sœur ainée a mis beaucoup de temps à accepter les comportements impulsifs de sa cadette. Mais aujourd’hui, elle a réussi à se rapprocher d’elle et elle la comprend mieux. Cette expérience personnelle l’a amenée à s’intéresser au handicap dans le cadre de ses études de sociologie.
La benjamine vient d’avoir 16 ans. Elle a demandé d’être interne ce qui est finalement une bonne chose pour maintenir sa sociabilité et prendre de la distance avec la situation familiale qui reste difficile.
Les grands-parents de Jeanne ne sont pas au courant de la situation exacte de Jeanne car elle refusait de le leur dire. Ça n’a pas facilité notre rôle ! Heureusement certains mots ont été dits maintenant et Jeanne projette d’en parler à ses grands-parents prochainement.
Aujourd’hui, Jeanne est stabilisée, bien que ralentie par trois molécules différentes. Elle n’est pas encore observante de soins de thérapie. Elle est suivie par une psychologue avec laquelle nous ne sommes pas en lien parce que notre fille n’y a pas consenti. Elle a tenté un nouveau travail, dans un musée, mais reste instable sur ce plan. Elle a démarré une nouvelle relation affective. Sa personnalité, autrefois spontanée, est ralentie par le traitement.
Via la MDPH, elle a maintenant la RQTH (reconnaissance de travailleur handicapé) ce qui a apporté un peu de lumière sur la situation et elle perçoit l’AAH. Elle ne peut pas passer le permis à cause des effets de son traitement lourd.
De mon côté, je continue le parcours de Connexions Familiales, et je suis en liste d’attente pour un groupe de parole à la Maison perchée.
Mon conseil à des personnes dans notre cas : n’attendez pas pour agir, formez-vous, contactez des associations.
Je pense que ce trouble est réversible, et que tout n’est pas perdu. Faire confiance à notre enfant est aussi une clé d’apaisement.
Connexions Familiales est une mine d’informations et permet de ne pas rester seuls avec sa souffrance. Après avoir été très chahutés dans notre estime de soi, Connexions Familiales nous permet de restaurer cette confiance.
Merci à toutes ces associations qui prennent le relais du service public pour accompagner les troubles psychiques qui engendrent tant de souffrance, et sont aujourd’hui un véritable enjeu de santé publique.