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Le 31 janvier 2024 s’est déroulé un webinaire coorganisé par les deux associations « La Maison Perchée » et notre association Connexions Familiales sur le thème de l’accompagnement des personnes concernées par le trouble de la personnalité borderline, thème sur lequel travaillent ces deux associations avec des modalités différentes et complémentaires.
L’occasion d’un témoignage à trois voix.
La Maison Perchée est une association non-médicalisée cofondée par quatre jeunes dont trois personnes concernées par les troubles psychiques, qui a pour missions :
La Maison Perchée a deux branches :
Connexions Familiales a été fondée par 3 psychiatres et 6 parents de personnes concernées par le trouble borderline, pour faire mieux connaître le trouble et proposer un programme de psychoéducation : cela ne transforme pas les proches en thérapeutes (!) mais cela améliore significativement les relations entre la personne borderline et son proche formé. Les membres de l’association en témoignent !
Après un rappel de ce qu’est le trouble borderline, les intervenants évoquent les traitements et prises en charge du trouble : Thérapie Comportementale Dialectique (TCD), Thérapie Basée sur la Mentalisation (TBM), Thérapie des Schémas.
De l’extérieur, ces thérapies peuvent être mal comprises, vues comme de « gentilles conversations » entre la personne malade et son thérapeute. En fait, il n’en est rien : la thérapie suit un schéma précis, et si le thérapeute se présente sur un pied d’égalité avec la personne malade, c’est pour être mieux accepté par elle car l’expérience montre que les personnes souffrant de ce trouble acceptent très difficilement les conseils.
Les traitements médicamenteux ont été également longuement évoqués. Les médicaments sont souvent indispensables, mais parfois les effets indésirables sont tels qu’il faut, en pleine concertation avec le psychiatre, réviser le traitement.
Abigaïl souligne combien il a été important pour elle que sa psychiatre lui explique les différentes catégories de médicaments et les raisons de ses choix de traitement. Les effets secondaires ont été mis en balance avec les bénéfices et la psychiatre est restée ouverte à un éventuel changement de traitement quand l’équilibre n’était pas en faveur des bénéfices. Cette démarche de soin a permis son adhésion, ce qui est capital.
Abigaïl reconnaît aussi qu’il y a une phase expérimentale de différentes molécules qui n’est pas agréable, qui peut faire peur, mais généralement inévitable aujourd’hui étant donnée la complexité de notre cerveau. Par contre, cela vaut le coup parce qu’une fois qu’on a la bonne molécule, le bon thérapeute et le bon le traitement, « c’est un réel soulagement ! »
C’est long et difficile, il peut y avoir du découragement, et c’est là que le soutien des proches et la rencontre dans des groupes de parole, d’autres personnes souffrant de ce trouble, est essentiel pour aider à aller au bout de la démarche. Lorsqu’un traitement ne fonctionne pas, il faut savoir l’accueillir, non pour abandonner tout traitement mais pour continuer à chercher un meilleur traitement.
Abigaïl témoigne d’une courte phase d’arrêt de son traitement – son psychiatre étant contre – pour se rendre compte qu’il était nécessaire et y revenir d’elle-même.
La contrainte de prendre chaque jour un traitement est un rappel quotidien de la maladie (comme pour toutes les maladies chroniques) ; il est compréhensible que les personnes souffrant du trouble borderline rêvent d’y échapper… même si ce n’est pas possible.
Par ailleurs, il faut bien comprendre que, même si les médicaments ne soignent pas le trouble borderline, ils restent extrêmement utiles et nécessaires pour stabiliser suffisamment la personne afin qu’elle soit en condition acceptable pour suivre la thérapie.
Les intervenants donnent ici quelques clés qui ne sont pas automatiques :
La première chose à faire n’est pas la plus simple : savoir prendre soin de soi. C’est souvent ce que les proches oublient car ils sont submergés par leurs propres émotions, et donc ils ne prennent pas soin d’eux, de leur équilibre, de leur santé. Les parents sont “programmés” pour se sacrifier pour leurs enfants ! La vie de l’aidant se met à tourner autour du proche malade et, à la question « Comment ça va ? » il répond en parlant de son proche… et en s’oubliant lui-même !
Prendre soin de soi, ce n’est pas égoïste, c’est maintenir sa santé afin de rester en mesure d’aider son proche. À Connexions Familiales, on parle « d’égoïsme sain » en utilisant l’image du masque à oxygène qui tombe devant soi en cas de catastrophe aérienne : la première chose est de se mettre le masque afin d’être en capacité ensuite de sauver son enfant à côté. Sans cela, on aboutit à une double catastrophe… Et paradoxalement, cet ‘égoïsme’ n’est pas naturel.
Il faut aussi savoir dire à notre proche malade qu’on l’aime inconditionnellement. C’est difficile d’exprimer ses sentiments, particulièrement entre adultes. Pourtant, la peur de l’abandon est très forte dans le trouble borderline, il faut donc rassurer.
Écouter vraiment une personne, sans jugement, sans l’interrompre, nécessite un véritable apprentissage personnel. Ce n’est pas naturel car notre écoute est bien souvent polluée par nos propres sentiments, notre peur, notre colère, notre tristesse.
La personne atteinte du trouble borderline nous paraît bien souvent très excessive : il est donc difficile de la comprendre, d’accepter ses émotions et sentiments.
Exprimer son empathie à l’égard de la personne concernée et de ce qu’elle ressent ne signifie pas nécessairement être d’accord avec ce qu’elle dit, ni avec son comportement.
Ce n’est qu’à partir de cette empathie entendue par la personne souffrant du trouble, qu’une vraie communication entre elle et son aidant pourra s’instaurer.
Les aidants n’osent pas toujours aborder avec leur proche la question des idées suicidaires, en pensant que la question serait incitative : on sait aujourd’hui que c’est faux.
Lorsqu’il y a ces idées noires, il faut accueillir l’immense souffrance morale qu’elles expriment, et qui a besoin d’être entendue.
En cas de tentative de suicide ou d’automutilation, même s’il n’y a pas de conséquence corporelle grave immédiate, il est recommandé de la prendre au sérieux et de déclencher une hospitalisation même si la personne en souffrance n’est pas d’accord : il faut acter qu’il y a eu un acte grave et exprimer par cette réaction que l’on tient à la personne et que c’est un acte d’amour que de réagir ainsi.
À noter enfin le 31 14 qui est un numéro d’urgence pour la prévention du suicide, et qui peut sauver des vies : ne pas hésiter à le communiquer aux personnes fragiles ainsi qu’à leurs proches.
Les addictions (alcool, drogues diverses…) font partie des solutions inadéquates auxquelles les personnes atteintes de ce trouble ont recours pour apaiser leur souffrance interne. Cela va devoir être traité pour pouvoir ensuite permettre une thérapie. Ces comportements que nous trouvons inacceptables sont des réponses inadéquates à leur souffrance énorme, parce qu’elles n’en trouvent pas d’autre à ce moment-là.
Aujourd’hui, il y a des professionnels de santé spécialisés, les addictologues, qui peuvent être consultés, et leur intervention est à coordonner avec la démarche du psychiatre. À noter aussi que les AA (Alcooliques Anonymes) ou NA (Narcotiques Anonymes) ont des groupes de parole non seulement pour les personnes dépendantes mais aussi pour les proches.
Les addictions peuvent prendre beaucoup de formes différentes : on pense à l’alcool et aux drogues, mais il peut y en avoir beaucoup d’autres : les jeux vidéo, l’affectivité…
Il ne s’agit pas ici de morale ou de principes, mais du seuil au-delà duquel nous sommes tellement énervés que nous n’arrivons plus à aimer, supporter notre proche malade : une limite est atteinte.
Il faut savoir les exprimer, et non les asséner comme des ultimatums : exprimer par exemple qu’on ne supporte plus les actes de violence de la personne, mais ne pas menacer d’une sanction qui peut déclencher une crise majeure.
Avec une thérapie adéquate et du temps, les choses peuvent vraiment s’améliorer. Ce qui ne veut pas dire que les personnes n’auront plus de symptôme, mais elles vont pouvoir vivre une vie qui leur plaît, avec des troubles connus et maîtrisés. On parle plutôt de rétablissement que de guérison.
C’est l’occasion de présenter ou évoquer :
En tant que personne touchée par le trouble, Abigaïl s’attache à distinguer les proches familiaux, avec lesquels il y a des liens affectifs, et les professionnels soignants qui sont formés à accueillir la difficile parole hypersensible des personnes atteintes du trouble.
Elle constate qu’il y a souvent une grande culpabilité de la part des proches, qui n’a pas lieu d’être en fait : à chacun son rôle bien distinct, entre le proche aimant et aidant dans des petites choses du quotidien et le soignant à qui l’on peut tout dire y compris des choses dures.
Les aides de la part des proches d’Abigaïl sont finalement assez simples à concevoir : être accompagnée par des copines qui l’accompagnent aux séances de psy, une présence quand ça ne va pas…
Aujourd’hui, Abigaïl vit chez sa mère parce que ça la sécurise : elle bénéficie ainsi d’une présence soutenante qui est très importante pour elle.
Elle n’est pas guérie, mais stabilisée. Elle a appris à vivre avec son trouble.
Dans une première phase de sa vie, Abigaïl a caché ses difficultés et a donc dû s’adapter en permanence, ce qui lui demandait un effort énorme engendrant des crises (dépression, comportement autodestructeur). Aujourd’hui, elle veut vivre au grand jour : les personnes qu’elle côtoie maintenant sont informées de ses difficultés. C’est un risque à prendre, car cela peut entraîner du rejet. Du côté professionnel, elle a demandé la RQTH : c’est difficile à accepter au départ d’être étiquetée personne handicapée et en même temps c’est une libération de pouvoir se présenter telle qu’on est réellement.
Aujourd’hui, les comportements à risques (idées suicidaires, TS, automutilation) sont du passé, mais Abigaïl reste une « éponge émotionnelle » ce qui peut conduire à des périodes d’apathie (qui ont pu être confondues à tort avec de la flemme). La présence familiale est essentielle dans ces moments pour relancer en douceur une activité normale.
La thérapie de groupe a été pour elle très utile pour se confronter à d’autres personnes avec le même trouble et à ses propres difficultés grâce à l’observation de ces mêmes difficultés chez d’autres.
Elle perçoit son psychiatre comme un « filet de sécurité » qui peut être là en cas de crise, même si cela n’est pas arrivé depuis longtemps.
Quand on vit avec un tel trouble de la personnalité, il peut être difficile de construire son identité au-delà de la maladie : Abigaïl l’a construite notamment avec les voyages, qu’elle partage sur les réseaux sociaux.