GPM-A : comment annoncer un diagnostic de TPB ?

10 Sep 2023 | Colloque

Cet article fait partie d’une série consacrée au GPM-A (Good Psychiatric Management pour Adolescents), qui est un traitement généraliste permettant une prise en charge efficace des adolescents souffrant du trouble borderline (TPB).

Il s’agit d’une adaptation du modèle développé pour les adultes par le Dr John Gunderson de l’hôpital de Mc Lean (Université de Harvard).


Faut-il un diagnostic ?

On ne le répétera jamais assez. Ce qui est délétère, c’est l’absence de prise en charge et non le diagnostic. Un diagnostic précis apporte un soulagement et améliore l’état de santé général. Il réduit la stigmatisation, le blâme et la colère. Le diagnostic minimise l’impact du TPB sur le développement normal de l’adolescent. Il rassure sur les compétences des thérapeutes, notamment au niveau des attentes vis-à-vis des traitements médicamenteux et des prises en charge. Les patients ont des attentes irréalistes vis-à-vis des traitements médicamenteux. Ils rêvent souvent d’une molécule capable de supprimer d’un coup tous les symptômes. Il est important de leur expliquer ce qu’ils peuvent attendre des médicaments et d’une psychothérapie : ils comprennent mieux ainsi les outils à leur disposition.

Le diagnostic est fiable, même avant 18 ans

Le diagnostic est tout aussi fiable et valable à l’adolescence qu’à l’âge adulte. Il est légitimé par le DSM-5 et la CIM-11. Il diminue la culpabilité des parents et des patients et les invite à collaborer. Il prépare les cliniciens à l’hypersensibilité de leur patient et à leur propre contre-transfert.

Ne pas confondre les symptômes avec de la paresse ou une crise d’adolescence

Parmi les signaux d’alerte à prendre très au sérieux, il y a :

  • les comportements auto-dommageables,
  • les conduites impulsives ou à risque,
  • les accès de colère incontrôlables,
  • l’hétéro-agressivité,
  • la faible estime de soi.

Les troubles d’« internalisation » affectant le « soi »[1] et les troubles d’« externalisation »[2] sont également des signaux d’alerte importants. L’irresponsabilité, l’inconstance, l’égocentrisme du jeune font partie des symptômes. Ce ne sont pas des défauts de caractère.

Quand il existe des prises en charge efficaces, un diagnostic donne de l’espoir. Il diminue le sentiment de ne pas être comme les autres.  Certains thérapeutes disent :

« je peux aider sans faire de diagnostic. »

C’est parfois vrai, mais pas toujours.

Ce que disent les soignants qui rechignent à poser un diagnostic

Le jeune risque d’avoir honte et de se sentir stigmatisé. Le diagnostic risque d’offenser le patient et les parents, etc. Comme on le voit ci-après, la liste des résistances est longue.

Résistances au diagnostic

  1. Peur d’étiqueter les jeunes avec un diagnostic de trouble de la personnalité.
  2. Peur d’offenser le patient et les parents.
  3. Craintes de réactions de contre-transfert
  4. Perception de la résistance volontaire au traitement
  5. Exposition transversale (patients réputés peu fiables : « grands voyageurs », « intraitables »)
  6. Attentes irréalistes en matière de compétences
  7. Les traits de caractère du TPB (« irresponsable, « inconstant », « égocentrique ») sont des défauts et non des symptômes
  8. L’image de soi du TPB (« mauvais », « mal »)
  9. Informations erronées sur l’héritabilité et le pronostic

Arguments en faveur d’un diagnostic précoce

Plus le trouble tarde à être traité, plus il se chronicise. Et plus les chances de rétablissement diminuent. Une intervention précoce est donc souhaitable. Les symptômes du TPB chez les jeunes sont envahissants et persistants. Il y a peu de chances qu’ils soient liés à un autre trouble mental quand les symptômes existent depuis au moins un an (DSM 5 – section III). Ces symptômes se distinguent très clairement des comportements typiques de l’adolescence par :

  • leur sévérité,
  • leur omniprésence,
  • leur évolution dans le temps et
  • la confluence des problèmes d’intériorisation et d’extériorisation.

Que l’on soit convaincu de l’intérêt de poser un diagnostic ou pas, l’important c’est de mettre en place des choses pour aider le jeune à avoir une vie épanouie. Il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste du TPB pour le traiter efficacement. Les approches généralistes peuvent être efficaces. Un diagnostic précoce améliore le résultat à long terme. Il limite la probabilité d’interventions thérapeutiques inefficaces. Il limite aussi les errances et les confusions avec d’autres troubles (bipolarité).

Impliquer le patient aide à clarifier le diagnostic

Il existe de nombreuses combinaisons possibles des critères du DSM-5. Les symptômes peuvent varier d’une personne à l’autre. Il faut le dire au patient pour le rassurer. En examinant les critères du DSM avec l’adolescent·e, on peut l’aider à clarifier ce qu’il ou elle ressent. Le diagnostic n’en sera que plus précis.

Hypersensibilité interpersonnelle :

  • Peur de l’abandon :
  • Est-ce que tu as peur parfois que tes proches t’abandonnent ?
  • Que fais-tu dans ce cas ? Es-tu du genre à envoyer des centaines de sms quand on ne te répond pas tout de suite ?
  • Est-ce que tu surveilles ce que les gens disent de toi sur les réseaux sociaux ?

Le sentiment d’abandon peut prendre des formes multiples comme le montre le témoignage suivant :

« Une fois, j’étais en train de danser en boîte de nuit avec des ami·e·s. Tout d’un coup, j’ai éprouvé un terrible sentiment d’abandon et j’ai eu envie de mourir. »

  • Sentiment de vide :
  • Est-ce que tu as l’impression de ne rien ressentir ? De ressentir comme un vide en toi ? 
  • Que fais-tu dans ce cas ? 

« Parfois, je me sens tellement vide… Comme si j’étais au bord d’un précipice et que je n’avais plus d’émotions, plus rien. Et ça me terrifie ! »

  • Relations instables (idéalisées / dévalorisées) :

L’hypersensibilité interpersonnelle est importante. Il faut questionner le patient à ce sujet.

  • As-tu l’impression parfois que tu te mets soudain à détester des personnes que tu adorais quelques jours plus tôt ?
  • Est-ce que tu te disputes beaucoup avec tes ami·e·s. ?

Dysrégulation émotionnelle (une humeur en montagnes russes) :

  • Instabilité affective
  • Colères inappropriées et intenses :

« Je peux changer d’humeur plusieurs fois au cours de la journée, parfois même dans l’heure. Il suffit d’un rien. »

 » Je suis tout le temps en colère et je peux vraiment exploser pour rien. »

Dyscontrôle comportemental :

  • suicidalité récurrente, menaces, auto-agressivité
  • impulsivité (sexe, consommation de substances / vols, achats impulsifs Qd la tension monte, TS possible).

« Quand la tension monte, j’arrive plus à réfléchir. Je veux juste plus ressentir. Et je peux faire des bêtises. »

Cognition et identité perturbés

  • dépersonnalisation : idée paranoïaque sous stress
  • image de soi instable, déformée :

« Parfois en cours, j’ai l’impression que je ne suis pas réelle, que rien n’est réel et que je suis comme spectatrice. »

Les enfants nés très sensibles éprouvent des sentiments intenses que les autres ne peuvent pas comprendre. Ce n’est ni bon, ni mauvais. C’est juste une réalité à laquelle il faut s’adapter !  Lorsqu’ils ne savent pas gérer leurs émotions et que l’entourage ne sait pas non plus comment les aider, cela peut entraîner des problèmes à l’école comme à la maison.

Une manière d’expliquer cette hypersensibilité aux patients est de la comparer à un superpouvoir qu’il faut apprendre à gérer. Et pour cela il existe des outils très simples. Comme on l’a vu, le seuil des symptômes est encore flou chez les adolescents.

Extrait retranscrit à partir de la formation du 21 avril 2023 sur le GPM-A – Lien vers la vidéo de la séquence animée par le Dr Marlène Jan  :

[1] Manque de confiance, dépression, anxiété, phobie ou désintérêt pour toute forme d’activités, comportements solitaires, manque de buts dans la vie.

[2] Troubles du déficit de l’attention, conduites à risque ou troubles oppositionnels avec provocation.