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Cet article fait partie d’une série consacrée au GPM-A (Good Psychiatric Management pour Adolescents), qui est un traitement généraliste permettant une prise en charge efficace des adolescents souffrant du trouble borderline (TPB).
Il s’agit d’une adaptation du modèle développé pour les adultes par le Dr John Gunderson de l’hôpital de Mc Lean (Université de Harvard).
Nous allons voir comment appliquer les principes du GPM au quotidien avec les patients ainsi qu’avec les familles.
Dès le premier rendez-vous avec votre patient·e, vous devez poser le cadre :
Au lieu de lui dire :
« Vous pouvez compter sur moi pour vous rencontrer vous et votre famille aussi longtemps qu’il le faudra et, bien sûr, je vous rencontrerai plus souvent si vous le jugez nécessaire. »
Vous devez, dès le premier contact, annoncer les grands principes du GPM :
« Nous allons travailler avec des objectifs et nous ne ferons que ce qui est utile. Si ce n’est pas utile, on diminuera la prise en charge. »
Par conséquent, votre entrée en matière sera la suivante :
« Pour commencer, je peux rencontrer votre fille toutes les semaines et vous, tous les mois, pour voir si cela peut vous aider. Nous ne nous rencontrerons pas plus fréquemment avant de voir si je peux être utile pour elle et pour vous. »
Dans le GPM, on s’adapte aux objectifs fixés et à l’efficacité du traitement. On doit pouvoir mesurer l’efficacité de tout ce que l’on met en place.
« Nous le saurons en remarquant si votre enfant se sent mieux et si la tension à la maison diminue. Nous rechercherons une diminution de la colère et des automutilations. Nous regarderons également si ses relations s’améliorent et que la confiance prend le pas sur le contrôle. »
On fixe dès le départ un certain nombre de critères :
On fait le point avec l’adolescent·e une fois par semaine. On implique les parents au début mais aussi tout au long du suivi. La durée dépend des progrès. On réévalue donc régulièrement les objectifs et on travaille en équipe (c’est ce qu’on appelle les traitements adjuvants). On incite le patient à s’intéresser à des activités sociales en dehors de la thérapie. Les progrès et le rétablissement ne se font pas en thérapie. Ils se font à l’extérieur, principalement à l’école mais aussi avec les amis.
On va donc encourager toutes les relations sociales avec les pairs, dans les activités extra-scolaires, et à l’école. Les soignants doivent eux aussi travailler en équipe : ils vont s’appuyer sur toutes les discussions possibles pour questionner leur manière de faire, mettre en jeu ce qui se passe, réfléchir et essayer d’avoir différentes approches pour être le plus souple possible.
La participation des familles varie en fonction de l’âge de développement du patient.
Ce sont des partenaires précieux dans le processus d’évaluation. On les implique lors de l’annonce du diagnostic et on les informe sur le trouble (psychoéducation). Il faut également les orienter vers des systèmes de soutien (par exemple, Connexions Familiales, et Family Connections, le site Internet de la NEABPD).
On n’informe pas les parents de ce qui se passe à chaque séance. En revanche, on leur présente la structure et les attentes du traitement. Et bien sûr, on leur signale tout danger pour la sécurité ou la vie de leur adolescent·e.
Il est très important d’impliquer les familles. La littérature montre qu’elles sont non seulement en grande détresse, mais qu’elles sont aussi en demande d’information et se sentent souvent abandonnées par le système de soins qui ne les prend pas suffisamment en compte.
Le postulat du GPM au contraire, c’est de travailler avec les familles de façon différente en fonction de l’âge du patient. En résumé : plus le patient est dépendant de sa famille, plus on implique la famille, quitte à parler du diagnostic en premier à la famille si le patient est très jeune (pré-ado) et que la famille pense que leur enfant va mal vivre l’annonce du diagnostic.
Pour les patients plus âgés, on annonce le diagnostic simultanément à la famille et au patient. On essaie de voir comment chacun comprend le modèle de l’hypersensibilité interpersonnelle. Même quand les ados sont plus âgés et qu’ils ont quitté le domicile familial, ils restent dépendants financièrement de leur famille. Ils demandent encore conseil à leurs parents pour leurs études et restent très liés. On continuera donc de voir la famille une fois par mois même quand le jeune est plus autonome.
La famille va nous aider dans l’évaluation des symptômes. En effet, très souvent, l’ado se contentera de nous dire que tout va très bien, là où la famille pourra nous expliquer qu’il y a un questionnement d’orientation à l’école, ou des soucis avec les amis de l’ado. Il y a peut-être aussi un trouble du comportement alimentaire. Nous devons donc multiplier les points de recueil de l’info : parler à l’adolescent·e mais aussi à la famille pour recueillir tout ce qu’elle peut apporter en termes de regard clinique. Et on va s’en servir comme élément de sémiologie. Tout ce qu’on dit au patient, on va aussi le dire à la famille. La psychoéducation va concerner le patient, mais aussi la famille au début, mais de manière régulière car on veut que tout le monde comprenne de mieux en mieux l’hypersensibilité interpersonnelle.
A Versailles, les équipes sont très impliquées dans le développement des interventions de Connexions Familiales basées sur la thérapie comportementale dialectique. Il y a aussi le programme FACTS basé sur la mentalisation, le programme AIR (Project Air) en Australie. Plusieurs dispositifs existent pour soulager les familles et les aider à faire face.
Evidemment, plus l’ado est grand, plus se pose la question de savoir ce qu’on dit au patient, et ce qu’on dit à la famille. Il faut être très clair sur le cadre dès le début : tout ce qui peut rester entre nous et l’ado restera entre nous, à l’exception de toutes les questions de sécurité. Quand on pressent un danger pour la vie, que l’ado soit d’accord ou pas, on doit en parler aux familles.
Il faut tomber d’accord sur les objectifs : on ne peut pas avoir d’un côté la famille qui voudrait que l’ado fasse ses devoirs en temps et en heure et de l’autre un·e adolescent·e, qui voudrait que ça se passe mieux à l’école avec ses amis.
Il faut dès le départ définir vers quel objectif on tend. C’est le seul moyen si l’on veut mesurer correctement les progrès.
Avec la famille, on va également chercher à réduire l’intensité des émotions exprimées. Nous entendons par là toutes les réactions émotionnelles de la famille et les comportements dysfonctionnels de l’adolescent·e.
En effet, la non-validation des émotions augmente les symptômes borderline. Plus la famille arrive à comprendre ce qui se passe, plus le climat familial va s’apaiser. Pour prévenir les crises, la famille doit être sensibilisée à toutes les situations qui risquent de favoriser des décompensations. Il faut veiller à préserver les aspects positifs et les bons moments. Sinon, on se retrouve dans des systèmes familiaux qui ne parlent plus que des problèmes.
Déclaration d’une mère durant une séance de thérapie comportementale dialectique :
« Je passe mon temps à éteindre le feu et à faire le pompier. »
Le thérapeute doit, lui aussi, mettre le projecteur sur ce qui va bien et sur les bons moments.
L’attitude du thérapeute vis-à-vis de la famille est « accompagnante » et « contenante ».
L’adolescent décide si ce que vous dites correspond à son expérience.
Comme les jeunes supportent mal que l’on soit toujours sur leur dos, la bonne posture du GPM va consister à les aider à devenir acteurs de leur traitement. Il va donc falloir valoriser le sentiment de compétence personnelle de l’ado, surtout en dehors de la thérapie.
C’est le patient qui décidera si ce que vous dites correspond à son expérience. Vous devez adopter une posture de non-sachant :
« Voilà mon idée, mais ce n’est pas forcément ce que toi, tu penses. Quel est ton avis ? »
Et si l’ado n’est pas d’accord avec vous, vous devrez vraiment prendre très au sérieux tout ce qu’il vous dit :
« Ton point de vue m’intéresse. Tu peux m’expliquer plus en détail… »
On veut que l’ado devienne agent de sa thérapie et soit le plus motivé possible. Si l’on veut qu’il s’investisse dans la thérapie, il ne doit pas la percevoir comme une injonction.
Se concentrer sur ce qui gêne le plus l’ado : cela ne coïncidera pas forcément avec le symptôme qui gêne le plus la famille. Régulièrement au cours du suivi, vous devez lui demander si votre façon de travailler lui convient. Demandez-lui aussi de donner son avis par rapport aux objectifs que vous vous êtes fixés :
« As-tu l’impression que nous avons atteint nos objectifs ? »
Ou bien, toujours en adoptant une posture de non sachant :
« Voilà mon idée, qu’est-ce que tu en penses ? »
Et si l’ado a un avis très différent, vous devez être capable de changer de focus et de tenir compte de ce qu’il vous dit. Ce n’est qu’ainsi que vous parviendrez à construire une alliance avec l’ado, d’une part, et avec la famille, d’autre part.
Pour mesurer les progrès, vous pouvez vous appuyer sur les marqueurs suivants :
Vérifier une fois par mois si :
En tant que thérapeute, vous devez être très attentifs aux contre-transferts : comment évoluent les relations entre l’ado et vous : vous appréciez-vous mutuellement ? Et la famille, comment ça va avec la famille ? Comment se passent les séances de thérapie ? Est-ce que ce sont des moments d’échange constructifs ou bien y allez-vous en traînant des pieds ?
Vérifier que les comportements à risques diminuent (pour l’ado : idées suicidaires et automutilations et pour la famille, les situations qui mènent à l’explosion).
On martèle encore et encore le modèle de l’hypersensibilité interpersonnelle afin que parents et jeunes patients se l’approprient. On vérifie que l’empathie augmente et que les notions délivrées sont appliquées. Par exemple, l’ado peut remarquer que ses parents ont compris, à un moment donné, qu’il se sentait menacé dans telle ou telle circonstance.
Le but est d’inciter l’ado à avoir une vie à l’extérieur de la thérapie. Le patient doit reprendre un rôle social et sa famille doit pouvoir l’aider dans son choix d’études, par exemple. Patient et parents doivent s’approprier toujours plus le modèle d’hypersensibilité interpersonnelle. Quant à nous, les thérapeutes, nous devons sentir qu’ils nous font confiance. Nous devons être pour eux des figures d’attachement sécure pour qu’ils puissent se confier et nous parler de choses qui leur tiennent à cœur.
Ci-dessous un exemple de planche de BD utilisable avec un ado pour l’aider à comprendre comment une personne en colère fait fuir la personne en face.
Votre patient croise un de ses camarades. Le camarade en question a l’air très sérieux. Son expression est neutre mais en bon « borderline », votre patient l’interprète de manière négative. Il y voit tout de suite un signe de rejet potentiel. Une bouffée d’angoisse le submerge et en réaction, il insulte son camarade. Ce dernier est perplexe. Il ne comprend pas les raisons d’une telle animosité. Du coup, il tourne les talons et va voir ailleurs. Et votre patient, comme d’habitude, se retrouve plus seul que jamais.
Vous devez faire comprendre à votre patient que c’est quelque chose qui se répète. Il doit apprendre à repérer les situations et les éléments déclencheurs de ses crises de colère.
Dans la construction de l’alliance thérapeutique, le récit va également avoir son importance :
« J’aimerais que vous puissiez donner un sens à votre vie et à vous-même. »
La plupart des ados souffrant de TBP ont une conscience de soi très fragmentée. L’environnement change tout le temps. Les buts fluctuent aussi. Parfois il comprend, parfois il ne comprend pas. On se retrouve avec des ados qui ne savent plus donner un sens à leur vie ou à eux-mêmes. Il faut les remettre sur cette trajectoire développementale afin de les aider à se construire un soi un peu unifié.
-> écrire son autobiographie,
->tenir un journal du dossier thérapeutique,
On peut aussi l’aider à voir des liens avec ce qui s’est dit lors de séances précédentes (situations avec les pairs, expériences passées) :
« Avez-vous remarqué une tendance dans les schémas à l’école et avec la famille : cela semble se reproduire chaque fois que vous… etc. »
Quand il ou elle revient sur une expérience en particulier, demandez-lui de bien détailler tout ce qui s’est passé, scène par scène, comme dans un film au ralenti :
– Qu’avez-vous fait à ce moment-là ?-
– Je l’ai vu et j’ai marché vers lui.
– Et après, vous avez fait quoi ?
– Quand j’ai vu sa tête, j’ai tout de suite compris qu’il n’était pas content de me voir.
Vous pouvez représenter les scènes sous forme de dessins humoristiques ou d’analyses en chaîne axées sur les relations interpersonnelles. Même si ce découpage peut vous paraître fastidieux à première vue, il aide les adolescents à comprendre les liens de cause à effet et les engrenages entre les différentes scènes décrites.
Vous pouvez aussi utiliser la métaphore de l’arbre : plus un arbre a de racines, plus il résiste aux intempéries. Pour cultiver les relations interpersonnelles avec les amis, aidez-les, par exemple, à travailler sur plusieurs axes, plusieurs racines à la fois. En cas de conflit avec un camarade, votre patient pourra ainsi toujours s’appuyer sur d’autres relations amicales. Conseillez-lui de faire pousser de nombreuses racines. Ce faisant, vous l’aiderez à grandir et à repérer les schémas de répétition. La priorité, c’est qu’il ou elle puisse se construire à l’école et réinvestir des activités multiples à l’extérieur.
De l’hypersensibilité interpersonnelle et des hauts et des bas sont à prévoir. Pour préparer le terrain, dites par exemple à votre patient :
«Il y aura probablement des moments où je vais t’énerver.
C’est normal ! Je compte sur toi pour me le dire si cela arrive.
Mon but est que tu restes en vie et que tu sois en sécurité.
Ce traitement doit te permette de te sentir mieux dans ta vie :
nous devons nous assurer que ce que nous faisons est utile pour toi. »
En tant que thérapeute, vous devez montrer que les crises et autres moments de désorganisation ne vous effraient pas. Au contraire, elles vous sont utiles pour avancer avec votre patient et l’aider.
Vous devez également convenir d’ un plan de crise avec l’adolescent·e et l’annoncer dès le début du traitement. Il est également possible d’en proposer un à la famille car elle est souvent demandeuse.
Autre règle incontournable et non négociable à annoncer de façon très claire au patient dès le départ : si sa sécurité est en jeu, vous appellerez ses parents.
Disponibilité téléphonique du thérapeutique
Dans la thérapie comportementale dialectique, un coaching téléphonique est disponible 24h/24. Dans le GPM, le thérapeute doit faire passer le message qu’il sera joignable en cas de besoin mais seulement de manière très ponctuelle. Ce sera pour vous l’occasion de faire de la psychoéducation :
« Vous ne voulez pas que votre sécurité dépende uniquement de moi.
Mon but, c’est que vous deveniez autonome et que vous arriviez à vous débrouiller seul. »
Extrait retranscrit à partir de la formation du 21 avril 2023 sur le GPM-A – Lien vers vidéo correspondante animée par le Dr Cohen :