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Cet article fait partie d’une série consacrée au GPM-A (Good Psychiatric Management pour Adolescents), qui est un traitement généraliste permettant une prise en charge efficace des adolescents souffrant du trouble borderline (TPB).
Il s’agit d’une adaptation du modèle développé pour les adultes par le Dr John Gunderson de l’hôpital de Mc Lean (Université de Harvard).
Le GPM est un modèle d’une grande souplesse. Les soignants doivent en permanence s’adapter et trouver des compromis. Dans cette séquence interactive, le Pr Mario Speranza présente un cas clinique qui placera le clinicien devant la nécessité de trancher entre plusieurs options. Pour chacune d’entre elles, l’auditoire aura la possibilité de choisir entre trois opinions :
Vous êtes un nouveau clinicien dans une unité de pédopsychiatrie. On vous a confié Alexia, une adolescente de 14 ans.
Dans l’unité depuis 4 mois, elle est prise en charge pour :
C’est sa troisième hospitalisation depuis le début de l’année. Durant son séjour à l’hôpital, l’humeur d’Alexia a connu des améliorations ; ses envies d’automutilations ont également diminué. Elle participe plus volontiers aux activités de l’unité. Cependant, chaque fois que la sortie se rapproche, Alexia cesse de manger. La nuit, elle se frappe légèrement la tête. Cela entraîne fréquemment une surveillance individuelle, sans laquelle elle ne peut pas dormir.
Pendant la journée, Alexia, repliée dans sa chambre, se cache sous ses couvertures. Il lui arrive de crier sur le personnel quand on lui demande de s’habiller ou de prendre ses repas. Parfois, il y a des altercations verbales. À d’autres moments, le personnel se retire et la laisse seule. Au fil du temps, les soignants sont de plus en plus partagés. Certains se rendent volontiers à ses côtés lorsqu’elle se frappe la tête. D’autres manifestent de la frustration et refusent de la soutenir. Finalement, Alexia n’arrive à dormir que les nuits où le personnel avec lequel elle se sent à l’aise est présent dans l’unité. De nouveau, elle a récemment cessé de manger.
Lors de la première rencontre avec l’équipe de l’unité, les tensions sont fortes. Le personnel exprime sa frustration quant à la difficulté de faire sortir Alexia. Ils s’accusent mutuellement d’avoir encouragé son comportement auto-dommageable.
Vous demandez quel diagnostic a été posé. On vous répond qu’elle souffre :
En raison de la difficulté à gérer les soins dans l’unité, Alexia a été envoyée temporairement dans une unité spécialisée dans les troubles du neurodéveloppement. On y utilise l’analyse comportementale appliquée pour l’aider à :
En réponse à cette introduction au cas d’Alexia, et à l’état des conflits au sein de l’équipe :
a) Vous dites à l’équipe qu’Alexia semble être un cas complexe. Selon vous, elle pourrait être une patiente avec un devenir chronique. Vous rassurez l’équipe : pour le moment, elle n’est plus dans l’unité. Vous allez ensuite voir la cadre du service et en tête-à-tête. Vous lui dites que le clivage du personnel est nuisible et que l’accompagnement individualisé ne pourra pas être maintenu au retour d’Alexia.
N’ont pu être recueillies en raison d’un problème technique.
C’est un peu tôt pour se prononcer sur l’état chronique d’Alexia. Parler à un cadre plutôt qu’à l’équipe dans son ensemble risque d’aggraver le clivage. Quant à parler à l’équipe plutôt qu’à la patiente, cela placerait cette dernière dans une position d’acteur non engagé.
b) Vous dites à l’équipe qu’Alexia a un TPB et qu’elle devrait commencer une thérapie comportementale dialectique dès que possible.
La très grande majorité a répondu « PEUT-ETRE ».
Un traitement multifocal n’est intéressant que s’il existe une réelle collaboration entre les soignants. Or, dans la décision proposée ici, l’information vient d’en-haut : l’équipe n’a pas son mot à dire.
c) Les membres de l’équipe expriment des difficultés à atteindre leurs objectifs de soins et ont des opinions divergentes sur la façon d’interagir avec Alexia. Vous validez le fait que la gestion des comportements auto-dommageables est un problème difficile dans une unité. Vous leur dites que vous voulez en savoir davantage sur eux, sur la patiente et sur sa famille pour évaluer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Vous leur dites que vous voulez mieux comprendre le diagnostic d’Alexia afin de développer un plan de traitement ciblé.
OUI unanime.
C’est la posture de base recommandée : curiosité, non-savoir, observer, s’intéresser à ce qui se passe, questionner. Il est important de souligner qu’il y a souvent un décalage entre ce qu’on pense faire et ce qu’on fait réellement. Par rapport au diagnostic notamment, on est convaincu que c’est utile, mais dans la réalité on ne le fait pas toujours. Pourquoi ? Parce qu’on est en difficulté et qu’on craint les réactions. Mais dans ce cas précis, c’est vraiment la posture de base à adopter : mieux comprendre la situation, faire participer tout le monde, avoir une vision plus globale de ce qui se passe.
d) Vous faites une évaluation de la prescription pharmaceutique et commencez un traitement par Aripiprazole pour les automutilations.
Une courte majorité a opté pour la négative, les autres ont répondu : PEUT-ETRE
Les données pharmacologiques sont très limitées. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas prescrire de médicaments. En revanche, partir d’emblée sur un traitement pharmacologique sans avoir analysé le contexte n’est pas une solution adaptée. Donc, ici, on aurait plutôt tendance à répondre non. Et si on le fait, il faudra argumenter et expliquer pourquoi.
Vous prenez le temps de lire le dossier de la patiente. Vous y comprenez qu’Alexia est une adolescente anxieuse. Excellente à l’école, elle rencontre des difficultés sociales et qu’elle :
Avant cette admission, Alexia avait cessé :
Après une altercation avec ses parents au sujet du retour à l’école, Alexia a pris vingt comprimés de Paracétamol et s’est coupée superficiellement sur les deux bras. En revanche, elle a immédiatement demandé l’aide de ses parents qui l’ont emmenée à l’hôpital. L’ingestion et les coupures n’ont entraîné aucun problème médical grave. À cette occasion, Alexia a expliqué qu’elle voulait « disparaître », mais qu’elle n’avait pas l’intention de mourir. Il n’y a pas d’autres tentatives de suicide dans son histoire.
Vous rencontrez Alexia après son admission au sein de l’unité spécialisée dans les troubles du neurodéveloppement.
Lors de votre première rencontre avec Alexia, vous devez d’abord :
a) évaluer le potentiel suicidaire et les automutilations d’Alexia afin de déterminer si elle est en mesure de retourner dans l’unité de soins de votre équipe.
Les réponses sont pratiquement partagées à 50/50 entre OUI et PEUT-ETRE.
Le principe du GPM, c’est d’être actif et non réactif. Cela veut dire que vous devez doser votre intervention en fonction du contexte. Certes, la patiente a déjà fait une tentative de suicide. Mais dans la situation présente, est-il prioritaire d’évaluer le risque suicidaire ? Existe-t-il d’autres priorités ?
Elle est à présent au sein d’une unité fermée. Est-il envisageable pour elle de rejoindre une unité un peu plus ouverte ? La décision dépendra de vos priorités, de votre connaissance de la situation en tant que chef de l’unité ouverte : Alexia a fait une tentative de suicide mais elle ne voulait pas mourir : cette information doit entrer en ligne de compte pour bien doser sa prise de décision.
b) dire à Alexia que vous êtes nouveau dans l’équipe et que vous souhaitez mieux comprendre ce qui s’est passé pendant son séjour à l’hôpital. Vous lui dites que vous souhaitez savoir ce qui, selon elle, s’est bien ou moins bien passé et ce qu’elle attend du traitement, afin d’être le mieux préparé possible et devenir son allié dans le processus de traitement.
L’auditoire a répondu oui à l’unanimité.
Ici, le thérapeute est dans une situation complètement différente : il demande à la patiente de lui dire ce qui serait utile pour elle, ce qui pourrait l’aider. Il essaie de comprendre ce qui aurait pu se jouer. De la sorte, il incite la patiente à s’engager dans une démarche plus active.
c) dire à Alexia que d’après ce que vous savez d’elle, vous pensez qu’elle a un TPB et que vous pouvez lui en parler.
Quasi-unanimité pour le OUI.
On a vu qu’il était important de poser un diagnostic. Cependant, pour la cohérence des symptômes et du fonctionnement de la patiente, il faut pouvoir lui parler du modèle de l’hypersensibilité interpersonnelle. Ce modèle va lui permettre de comprendre certaines difficultés qui s’expriment à travers cette hypersensibilité. Toutefois, est-ce le bon moment pour poser un diagnostic : la patiente est dans une unité fermée, en situation passive. En formulant de but en blanc le diagnostic, vous imposez votre savoir plutôt que de partager avec la patiente des connaissances en l’aidant à s’y reconnaître.
Ici, la bonne question, ce n’est pas : « Est-ce que je pose un diagnostic ou pas » mais plutôt : « Est-ce le bon moment pour le faire ? ». Le moment risque d’être mal choisi si l’on n’a pas déjà parlé de ce qui a pu se passer et qui est à l’origine des difficultés de la jeune patiente. Ce qui compte en l’espèce, c’est plutôt de prendre le temps de réfléchir à la meilleure manière d’annoncer le diagnostic et d’attendre le bon moment pour le faire, d’autant que les parents n’ont pas non plus été informés.
d) demander à Alexia si elle veut commencer à manger deux repas par jour afin de pouvoir retourner dans l’unité.
Il ’agit-là d’une condition comportementale assez stricte.
L’auditoire a répondu NON à la quasi-unanimité.
Vous avez sans doute trouvé cette condition comportementale trop directive. Parfois, il est nécessaire de poser un cadre pour accéder à un autre niveau. Une position un peu plus ferme peut aider à débloquer une situation. Mais on peut aussi trouver que c’est un peu violent, un peu descendant et non partagé, mais pourquoi pas ? Dans une situation de ce type, on risque de mettre la patiente en échec en optant pour cette proposition.
Enveloppée dans une couverture, Alexia vient à votre rencontre. Au début, elle évite tout contact visuel. Lorsque vous lui demandez ce qui s’est passé à l’hôpital, elle vous regarde brièvement et vous dit qu’elle est certaine que tout le monde la déteste et veut la punir. Après lui avoir dit que ça doit être douloureux de sentir que les autres ne vous aiment pas, Alexia hoche la tête et dit que ça lui arrive tout le temps. Elle reconnaît qu’elle se sent plus proche de certains membres du personnel ; qu’elle se sent comprise lorsqu’ils la défendent et prennent le temps de s’assurer qu’elle va bien. En revanche, elle se plaint d’autres personnes, qui se concentrent sur les règles et se montrent froides et indifférentes alors qu’elle est se sent accablée par la détresse.
Alexia vous explique qu’elle elle cesse de manger quand elle est stressée (surtout en réaction à un événement interpersonnel), car, selon elle, ça l’aide à atténuer ses émotions. Vous lui dites que vous appréciez qu’elle ait pris la peine de parler de ses problèmes ; que vous comprenez.
Avant de partir, à l’aide des critères traduits du DSM-V, vous l’invitez à faire le lien entre les caractéristiques du TPB et ses craintes d’abandon, ses sentiments de vide et de colère, ainsi que les nombreux hauts et bas de ses relations.
En utilisant le script sur l’explication du diagnostic du TPB, vous dites à Alexia que ses problèmes sont ceux de beaucoup d’autres personnes et cohérents avec un diagnostic qui explique l’éventail de ses problèmes. Vous lui expliquez qu’elle a un TPB, qui peut s’améliorer avec le temps et qui peut être traité. Alexia se dit soulagée d’avoir enfin trouvé un médecin qui la comprend. Vous lui demandez si elle aimerait travailler sur la gestion de ses interactions avec le personnel, sources de stress et de découragement pour elle. Alexia vous regarde alors avec anxiété et vous demande si vous pouvez l’aider et si vous seriez son médecin au cas où elle reviendrait dans l’unité.
A la demande d’Alexia de réintégrer l’unité :
a) Vous dites à Alexia que vous voulez travailler avec elle sur sa sensibilité aux relations, afin qu’elle puisse acquérir plus de compétences pour obtenir de manière plus prévisible les réponses qu’elle souhaite de la part des autres.
Partagées, avec une prévalence du OUI.
Ici, à partir de ce qu’Alexia a dit aux soignants, on en sait plus sur les difficultés qu’elle rencontre au quotidien dans ses relations et sur son ressenti. Quand elle est en détresse et que les autres n’y répondent pas, elle est dans une souffrance extrême. Évoquer cette fragilité spécifique revient à manifester un engagement dans la relation. Ainsi, la patiente se sent enfin comprise.
Si une partie de l’auditoire a répondu NON, c’est sans doute parce qu’il juge la décision trop prématurée, trop rapide. Nous devons partir de l’expérience de la patiente, travailler autour des critères. On doit, par exemple, demander à la patiente si elle se reconnaît dans certains critères plutôt que dans d’autres. Et dans ce cas, en effet, on peut se donner plus de temps pour bien impliquer la patiente et les parents.
b) Vous l’informez qu’elle devra travailler avec le personnel qui respecte les règles parce que vous la croyez capable de s’habituer à des environnements gérés par différents types de soignants.
Partagées, avec une prévalence du OUI.
Conformément aux recommandations de John Gunderson, il faut toujours s’efforcer de dire la vérité. Cela étant, la question ici est de savoir si elle va pouvoir changer d’unité. La réponse est volontairement formulée de manière un peu complexe, car il n’est pas toujours possible de s’engager. Pour autant, il n’est pas n’est pas souhaitable de lui dire « qu’il faut respecter les règles, parce que c’est comme ça qu’on fonctionne ». De fait, c’est peut-être trop demander à la personne. En revanche, on peut évoquer le fait que, d’une unité à l’autre, les règles et modes de fonctionnement sont forcément différents, mais que l’on pense qu’elle est capable de s’adapter, même si sa sensibilité lui rend les choses difficiles. Cela supposera un travail sur ce qui pourra l’aider à avoir une perception plus réaliste de la situation et de ce qu’il est concrètement possible de faire.
c) Vous répondez que vous voulez travailler avec elle et vous pensez que le traitement peut être amélioré grâce à des modifications qui dépendront de sa capacité à apprendre de vous et de l’équipe de l’unité. Pour commencer, vous aimeriez qu’elle écrive des objectifs qui l’aideront à travailler de manière plus cohérente avec vous et votre équipe.
Très majoritairement positive.
Ici, on peut améliorer les choses si on clarifie les objectifs et qu’on les partage avec l’équipe pour que chacun puisse avoir des repères. Et c’est la patiente qui pourra dire : « Ça c’est utile, ça beaucoup moins ou pas du tout ».
Vous rencontrez les parents d’Alexia. Bill et Karen ont adopté leur fille à l’âge de 5 ans dans un orphelinat européen, après de nombreuses années d’échec de traitements pour l’infertilité. Bill et Karen ont fait de leur mieux pour lui offrir un foyer aimant. Mais ils ont été dépassés par les premières difficultés émotionnelles et comportementales de leur fille. Avec le temps, ils n’ont plus été en mesure de gérer la situation et ont dû lui donner ce qu’elle voulait pour la motiver ou la calmer. Lors de l’admission, Bill et Karen ont été soulagés d’obtenir de l’aide. Ils étaient reconnaissants envers le personnel. Mais au fil de l’hospitalisation, ils sont devenus de plus en plus critiques et exigeants vis-à-vis du personnel, notamment quand Alexia arrêtait de manger ou se frappait la tête. Ils sont aujourd’hui très en colère et frustrés face à l’inefficacité du traitement, qui ne fait qu’aggraver l’état d’Alexia.
En réponse aux plaintes des parents concernant le traitement en cours :
a) vous êtes d’accord avec leurs plaintes et vous les informez que vous prévoyez de réorganiser le fonctionnement de l’équipe afin qu’Alexia puisse recevoir les meilleurs soins possibles.
Négative, à une exception près.
Il est sans doute nécessaire de valider le constat des parents : effectivement, l’état de leur fille ne s’améliore pas. Les parents ont parfaitement le droit d’exprimer ce qu’ils ressentent et on doit pouvoir l’entendre. Cela ne veut pas dire pour autant que l’on doit se flageller ou tout réorganiser. Incontestablement, il y a des choses à revoir puisque ça ne marche pas. C’est le côté pragmatique du GPM. Si ça ne marche pas, il faut comprendre pourquoi, et travailler avec l’équipe et la patiente pour voir ce qu’il est possible d’améliorer.
L’option qui consisterait à tout réorganiser se ferait au détriment d’une meilleure collaboration au sein de l’équipe. En règle générale, les réactions à chaud sont à éviter. Plutôt que de chercher à éliminer tous les problèmes, il vaut mieux amener l’équipe, la patiente et les parents à se questionner sur ce qui marche et ce qui ne marche pas. En général, il est plus utile d’aider les adolescents à gérer des situations stressantes plutôt que de les en protéger à tout prix. Mieux vaut donc évaluer les problèmes et réfléchir à des solutions possibles sur le long terme plutôt que de réagir à chaud.
b) Vous convenez que le traitement ne fonctionne pas et que tout le monde devrait essayer d’en comprendre les raisons. Vous leur faites part de votre impression que l’orientation du traitement peut être améliorée grâce à une nouvelle orientation diagnostique.
Réponses de l’auditoire
La majeure partie de l’auditoire a répondu positivement.
Il faut voir ici comment on va pouvoir impliquer la patiente et l’équipe dans l’identification de cette rigueur. Rigueur, qui, on le sait, risque de provoquer chez la patiente des crises et comportements inadaptés, et d’augmenter de ce fait le niveau de tension dans l’unité.
Extrait retranscrit à partir de la formation du 21 avril sur le GPM-A. Lien vers la vidéo de la séquence animée par le Pr Speranza :